Éric Rohmer, un cinéaste libre

Publié le 18 Janvier 2010

Éric Rohmer est mort le 11 janvier 2010, à Paris. Les éloges sont nombreux.


 

Il faut surtout signaler son originalité et sa liberté


 

Son style était inimitable, style mélangeant rigueur, dialogues ciselés et abondants, profondeur, puissance de l'analyse, ambiguïté, ironie fine, érotisme verbal, angoisse existentielle élégamment camouflée sous un écran de légèreté, travail sur le temps et l'espace, remarquable direction d'acteurs. Il était souvent aux limites et il aurait fallu peu de chose pour que ses films passent pour indigestes ou ridicules.

Il écrivait ses scénarios, ou adaptait des œuvres littéraires que personne d'autre n'aurait osé porter à l'écran. Il avait conquis son indépendance en se produisant lui-même   à travers sa compagnie Les Films du losange.  Ses films avaient toujours un budget minimal donnant un cinéma littéraire, artistique et raffiné   : un cinéma brut, sans truquage, sans stars, mais toujours créatif. Ses comédiens étaient souvent inconnus mais  sortaient de l'ombre grâce à lui, comme Arielle Dombasle, Pascal Greggory et Fabrice Luchini, qui sont devenus de grands acteurs du cinéma français.

 

Fabrice Luchini déclare : "Je lui dois absolument tout. Si j'ai même une situation pas trop mauvaise, c'est uniquement grâce à lui" . "Rohmer, moi, il m'a connu j'avais vingt ans. Pour les gens, Rohmer, c'était le pape,  c'était tout. Il a ouvert sa porte. Moi, les gens ne voulaient pas me prendre".  "Le génie de Rohmer, c'est d'érotiser le dialogue. C'est un homme de littérature qui a pensé que la littérature ne s'opposait pas au cinéma", a-t-il ajouté. "Il est totalement pas snob. Il est totalement libre. Il est totalement impressionné par la littérature, il est extrêmement cultivé. Il a inventé un cinéma."

Pour la comédienne Arielle Dombasle, Rohmer laisse «l’image du grand personnage du siècle des Lumières. C’était quelqu’un qui m’a fait lire pour la première fois Marivaux, qui m’a montré ce qu’était la beauté classique des textes, qui m’a fait comprendre ce qu’était le cinéma, l’écriture cinématographique, l’écriture de vrais auteurs, qui (...) m’a fait découvrir le cinéma.»

Martine Aubry déclare  qu'"Avec lui s'éteint un cinéaste exigeant, un esprit libre et impertinent. Éric  Rohmer ne s'affichait pas, ne se dévoilait pas. Depuis plus de cinquante ans, c'est par son œuvre immense et prolifique qu'il nous interrogeait, avec finesse et subtilité, sur la liberté et la morale. Cette figure légendaire de la Nouvelle vague refusait les conventions et ne craignait pas, parfois, d'être politiquement incorrect".


Éric Rohmer (de son vrai nom Maurice Henri Joseph Schérer , fils de Désiré Scherer et de Jeanne Monzat.) est né le 21 mars 1920 à Tulle (Corrèze). Il est le frère du philosophe René Schérer
Il est d'abord professeur de lettres et écrivain. Il publie un roman, Élisabeth, en 1946, sous le pseudonyme de Gilbert Cordier.
Réservé, secret, à partir de 1948, il se tourne de plus en plus vers le cinéma, mais n'abandonne jamais l'écriture. Il prend alors le pseudonyme de Éric Rohmer, pour cacher à sa famille ses activités de cinéaste!
Il rédige des critiques pour le journal qu'il a fondé, La Gazette du cinéma, et pour les Cahiers du cinéma ; une thèse sur L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, et plus récemment, une pièce, Le Trio en mi bémol, et un essai, De Mozart en Beethoven, essai sur la notion de profondeur en musique.

Quand il fonde La Gazette du cinéma , il fait la connaissance de Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, François Truffaut, ou encore de Claude Chabrol - avec lequel il signe en 1955 un livre sur Alfred Hitchcock.
Ce groupe se dirige d'abord vers la critique, au sein des Cahiers du Cinéma, dont Rohmer devient rédacteur en chef de 1957 à 1963.
Ses réalisateurs favoris ont alors Howard Hawks , Jean Renoir, ou encore Roberto_Rossellini. Ces textes seront réunis en 1994 sous le titre: Le Goût de la beauté
Ils vont rapidement fonder ce qui deviendra "la Nouvelle Vague"
En 1959 il réalise son premier long-métrage, Le Signe du lion, sorti sans grand succès trois ans plus tard. En 1962, il crée avec Barbet Schroeder, la société Les Films du Losange, qui produira la majorité de ses films.


La même année, il entame un cycle de six films baptisé Contes Moraux.
En six films, il parcourt toute la gamme du sentiment amoureux, de l'austérité de La Boulangère de Monceau à la sensualité radieuse du Genou de Claire, de l'amertume de Ma nuit chez Maud au parfum de vaudeville de L'Amour l'après-midi.
Ce sont des intrigues sentimentales sur des thèmes chers au cinéaste (la tentation de l'infidélité, l'amour et le hasard, le destin) ainsi que le style qui fera sa marque, entre profondeur raffinement et légèreté. Les dialogues sont souvent sophistiqués et très littéraires.
Sa direction d'acteur est assez épurée et sa mise en scène simple et efficace.
Ma nuit chez Maud (1969), et Le Genou de Claire (1970, Prix Louis-Delluc) sont particulièrement remarqués.
Pendant cette aventure qui dure dix ans ( jusqu'en 1972), Rohmer réalise des émissions littéraires pour la télévision. La série s'intitule «En profil dans le texte», et l'on s'y intéresse à Hugo, Pascal ou La Bruyère. Eric Rohmer apparait rarement à l'écran, mais il fait une exception en 1971 pour Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette

Les Comédies et Proverbes forment le deuxième grand cycle, où chaque film illustre à sa manière une phrase tirée de la sagesse populaire.
Dans cette série, Le Rayon vert (1986), film en partie improvisé, obtient le Lion d'Or à Venise

Les années 90 sont marqués par les Contes des quatre saisons, dans lesquels le cinéaste poursuit son exploration des jeux et des hasards amoureux.
Simultanément, il réalise des films hors de ses séries, comme les Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle (1987).

Rohmer est un exemple parfait du cinéma d'auteur à la française, en écrivant seul ses scénarios, qu'il soient originaux ou adaptés œuvres littéraires comme La Marquise d'O (1976) ou Perceval le Gallois (1978).
Il choisit souvent de jeunes comédiens inconnus, mais fait aussi appel à des acteurs confirmés, comme Jean-Louis Trintignant (Ma nuit chez Maud, 1969) ou André Dussollier (Le Beau Mariage, 1982)
Éric Rohmer a révélé Arielle Dombasle, Pascal Greggory et Fabrice Luchini, qui sont devenus de grands acteurs du cinéma français.

Rohmer est toujous resté très discret sur sa vie privée. Marié en 1957 à Thérèse Barbet, il a un fils, le journaliste René Monzat.


Filmographie :

Les courts métrages

  • 1950 : Journal d'un scélérat
  • 1951 : Présentation ou Charlotte et son steak
  • 1952 : Les Petites Filles modèles
  • 1954 : Bérénice
  • 1956 : La Sonate à Kreutzer
  • 1958 : Véronique et son cancre
  • 1962 : La Boulangère de Monceau et 1963 : La Carrière de Suzanne (les deux premiers des Six contes moraux, voir plus bas)
  • 1964 : Nadja à Paris
  • 1965 : Paris vu par... (sketch Place de l'Étoile)
  • 1966 : Une étudiante d'aujourd'hui
  • 1967 : Fermière à Montfaucon
  • 1983 : Loup, y es-tu ?
  • 1999 : La Cambrure
  • 2005 : Le Canapé rouge

Les longs métrages ( Les films faisant partie des "cycles" portent des numéros )

  • 1959 : Le Signe du lion (sorti en 1962)

Six contes moraux (1962 - 1972)

  1. La Boulangère de Monceau (1962) court métrage
  2. La Carrière de Suzanne (1963) court métrage
  3. La Collectionneuse (1967)
  4. Ma nuit chez Maud (1969)
  5. Le Genou de Claire (1970), Prix Louis-Delluc 1970
  6. L'Amour l'après-midi (1972)
  • La Marquise d'O... (1976) ; 102 mn ; d'après Heinrich von Kleist, avec Bruno Ganz, Edith Clever.
  • Perceval le Gallois (1978) ; 140 mn ; d'après Chrétien de Troyes, avec André Dussolier, Fabrice Luchini. (Prix Méliès)

Comédies et proverbes (1981 - 1987)

  1. La Femme de l'aviateur (1981) On ne saurait penser à rien, antithèse de l'œuvre de Musset On ne saurait penser à tout
  2. Le Beau Mariage (1982) Quel esprit ne bat la campagne qui ne fait château en Espagne de La Fontaine
  3. Pauline à la plage (1983) Qui trop parole, il se mesfait de Chrétien de Troyes
  4. Les Nuits de la pleine lune (1984) Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd sa raison, proverbe de la province de Champagne
  5. Le Rayon vert (1986) Que le temps vienne où les cœurs s'éprennent, vers d'Arthur Rimbaud
  6. L'Ami de mon amie (1987) Les amis de mes amis sont mes amis, adage populaire
  • 1987 : Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle

Les Contes des quatre saisons (1990 - 1998)

  1. Conte de printemps (1990)
  2. Conte d'hiver (1992)
  3. Conte d'été (1996)
  4. Conte d'automne (1998)

Intercalés entre le deuxième et le troisième conte:

Les tragédies historiques

Rédigé par nezumi dumousseau

Publié dans #cinéma

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