Une belle fille comme moi

Publié le 23 Août 2008

J'ai enfin vu tous les films de François Truffaut. Alors que certains comme Le Dernier Métro sont assez souvent diffusés, d'autres sont beaucoup plus difficiles à voir.

C'est particulièrement le cas, pour d'obscures raisons d'exploitation,  de Une belle fille comme moi . Remercions donc la cinémathèque de la rue Champolion (Paris 5ème) d'avoir programmé une intégrale Truffaut (jusqu'au 2 septembre 2008 profitez en!

Et malgré une copie de très médiocre qualité, j'ai pris un plaisir certain à ce spectacle.

Un jeune sociologue, Stanislas Prévine, préparant une thèse sur la criminalité féminine, se rend à la prison interroger Camille Bliss, une belle fille accusée de divers crimes et tentatives de meurtres. Il se rend à l'évidence que les amants de Camille ne durent pas. Elle prononce une phrase bizarre à ce sujet: " Mettez-vous à ma place, j'avais quatre mecs sur les bras, j'aurais pas couché avec eux sans raison, j'suis pas comme ça, moi! "

Déjà enfant, Camille ne fut peut-être pas étranger à la mort accidentelle de son père. Plus tard, elle se fait épouser par un rustre, Clovis Bliss, dont la mère cache un magot. En attendant de trouver les sous, Camille, fatiguée par son nigaud de mari, prend pour amant un chanteur, Sam Golden, qui prend son plaisir en écoutant un enregistrement de course de voitures....

Après des films graves, François Truffaut éprouve le besoin de prendre vivement le contrepied de la manière dont il a représenté les extrémités et les contradictions du sentiment amoureux, de se moquer de lui-même, ainsi qu'il le dira à la sortie d'Une Belle Fille comme moi. Il ne s'agit pas seulement d'autodérision, mais plus simplement d'une autre facette de lui-même qu'il a moins souvent montrée, plus potache et blagueuse, faite d'insolence, de vulgarité et de crudité joyeuse, assortie d'un goût du calembour à deux sous.

Une autre facette connue de ses proches et de ses amis, plus volontiers libérée dans certaines de ses lettres parsemées de jeux de mots, ou dans les articles d'érotomane qu'il écrivait parfois pour les Cahiers du cinéma et signait en général du nom de Robert Lachenay, mais plus rarement exploitée ouvertement dans ses films, sinon par intermittences, notamment dans Tirez sur le Pianiste. En s'entourant pour l'accompagner dans cette aventure d'excellents comédiens dont il sait qu'ils joueront jusqu'au bout avec lui la farce avec sincérité, il décide d'y aller franchement, de s'en donner à cœur joie, mais le public sera surpris et le film sera, à sa manière, aussi mal compris en 1972 que les Deux Anglaises l'année précédente.

Dans ce film le dialogue est absolument particulier : il ne s'agit presque jamais de dialogue informatif mais en réalité d'un argot à la fois très moderne et très poétique qui assure une très grande partie de sa force comique.

Cette identité du langage, Truffaut l'a scénarisée et mise en scène à l'intérieur même du film, lorsque Stanislas montre à Camille les épreuves de son livre. Surprise de Camille se lisant : «" cet enfoiré de Clovis, j'ai bien vu qu'y voulait encore me chanter Ramona, alors j'ai couru pour aller m'enfermer aux chiottes, seulement voilà, y m'a attrapée au passage et y m'a balancée au travers du pageot" Oh dis donc, c'que c'est mal écrit, j'croyais qu'vous étiez professeur... Alors vous avez rien corrigé du tout?». El Stanislas de répondre : Mais, Camille, c'est votre langage, il est à vous, il est aussi personnel que vos empreintes digitales.

La forme est assez déroutante avec des flash-back en série, qui permettent de souligner les décalages entre le récit entendu et les images montrées. La parole peut être un outil redoutable, mais aussi un piège pour celle qui la manipule.


Rédigé par nezumi dumousseau

Publié dans #cinéma

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