Lumières d'été, se souvenir d'Hiroshima

Publié le 17 Juillet 2017

C’est après avoir lu un livre sur Hiroshima que Jean-Gabriel Périot avait pris conscience qu’il existait un manque de connaissance globale des événements ayant mis fin à la Seconde Guerre Mondiale. De cette réflexion était né en 2007 son court métrage 200 000 Fantômes. Ce film explorait l’histoire du Dôme de Genbaku, l’un des rares bâtiments à être resté debout malgré sa proximité avec l’hypocentre de l’explosion, au travers de 650 images d’archive mises bout à bout s’étalant sur une période comprise entre 1914 et 2006.

Dix ans plus tard, Jean-Gabriel Périot traite à nouveau de l’histoire d’Hiroshima dans Lumières d’été. Cette réflexion autour du manque de connaissances est par ailleurs énoncée à voix haute par le personnage de Akihiro, quand celui-ci déclare que les Français ne se soucieront pas de son documentaire puisqu’ils n’ont que très peu d’intérêt pour un événement vieux de 72 ans qui a eu lieu à l’autre bout du monde.

Le film débute sur le tournage d’un documentaire télévisé. En ouvrant son long métrage par une audacieuse interview de vingt-cinq minutes en plan séquence, le réalisateur français explore les souvenirs d’une survivante ayant connu le bombardement atomique d’Hiroshima lorsqu’elle était une jeune fille. Cette hibakusha confronte alors Akihiro, l’intervieweur, et les spectateurs au récit asphyxiant et pesant des moments de terreur et d’incompréhension qui régnaient sur Hiroshima le 6 août 1945 et les jours suivants.

Mme Takeda, une survivante d’Hiroshima, relate ses souvenirs. Elle raconte la courte vie et la mort prématurée de sa sœur, élève infirmière, qui a soigné les bléssés d'Hiroshima, avant de succomber aux effets de radiations. C’est en faisant appel à une actrice que Jean-Gabriel Périot a pu mettre en scène cette bouleversante ouverture. Souhaitant initialement recueillir le témoignage d’une vraie hibakusha et y inclure une légère modification pour nourrir le travail de fiction qui allait suivre, le réalisateur français s’est confronté à l’impossibilité des survivants de modifier leur récit par respect pour les diverses personnes impliquées, blessées ou décédées. Dès lors, il a fait le choix avec sa co-scénariste Yoko Harano, elle-même petite fille de hibakusha, de réunir différents témoignages pour en construire un nouveau qui permettrait à la fois d’embrasser le travail de fiction que constitue Lumières d’été et de retracer le plus fidèlement possible les événements.

Quittant le plateau, très touché, il marche dans le Parc de la Paix et rencontre Michiko une femme native d’Hiroshima, qui a toujours vécue là. Elle est jeune, mais parle (seul les spectateurs japonais peuvent reconnaitre le parler d'Hiroshima des années 1950) et s’habille comme une « vieille ». Elle lui parle de sa ville, ils continuent à marcher. Leurs sourires, leurs hésitations, et leur gêne drôlement contenue annoncent bien plus qu’un amour à venir.

Avec un entrain communicatif, ils parlent aux passants, et rencontrent un vieil homme qui a vécu le bombardement. La jeune Japonaise en est très émue, elle qui parle d’histoire doctement, évoquant de nombreux détails troublants. Elle parle de ses études d'infirmière interrompues. Le japonais, parisien qu’il est devenu, réapprend à sourire, à parler aux inconnus dans la rue. Ils rencontrent un grand-père qui apprend à pêcher à son petit-fils. Il les invite à venir partager un repas du soir.

Akihiro se retrouve, au bout de la nuit, sur le lieu d’une étrange cérémonie. C'est un Bon Odori, danse de la fête des morts, traditionnellement célébrée dans le Kansai autour du 15 août, date très proche du 6 août, anniversaire du bombardement. Cette fête très particulière, il en saisit le sens, alors qu’il redécouvre seulement les traditions du Japon. Se laissant emporter, il commence à percevoir ce qui advînt ici. « Ce qui, jusque-là, était resté invisible ». Ce que, maintenant, il vit, découvrant au matin que Michiko à disparu et que son rêve d'amour avec un fantôme était impossible.

Pour autant, cette figure ne ressemble en rien aux fantômes occidentaux et adopte des traits plus poétiques pour affirmer un lien irrémédiable avec le passé. Bien que ce fantôme ait recours au dialecte usité à Hiroshima en 1945, il rompt avec la représentation habituelle de ces êtres dans la culture japonaise. Loin de formes particulières pouvant l’apparenter à un ectoplasme, cette figure fantomatique trouve son unicité dans son absence de but concret. Bien qu’il symbolise le passé indissociable de la ville d’Hiroshima, ce fantôme n’a pour raison d’exister que la volonté de marquer une étape de transition dans la vie des différents individus qu’il croise et accompagne.

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Rédigé par nezumi dumousseau

Publié dans #cinéma, #Japon, #politique

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